Notre Dieu, est-ce un Dieu uniquement des justes ou bien aussi des pécheurs ? Dieu attend-il que les pécheurs se convertissent et reviennent à lui, ou bien va-t-il lui-même les chercher dans la situation de péché dans laquelle ils se trouvent ? Le pardon que Dieu concède au pécheur exige-t-il la volonté et la voie de la conversion, ou bien est-il antérieur à la conversion même ? Et, surtout, l’amour de Dieu doit-il se mériter, ou est-il un amour qui veut atteindre tout le monde ? Ce ne sont pas des questions subsidiaires car d’elles dépend la figure de notre Dieu.
Or, dans l’Ancien Testament, apparaît comme un adage : Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie (Ex 33, 20), et dans le Nouveau Testament, le prologue de Jean se conclut en scellant toute la révélation : Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître (Jn 1, 18). Oui, à propos de ce visage jamais vu ni contemplé par un être humain (cf. 1 Tm 6, 16 ; 1 Jn 4, 12), Jésus nous en a donné l’explication, il nous l’a révélé. La parole de Dieu qui s’est faite chair, homme venu comme nous en toute chose, excepté le péché (cf. He 4, 15), a vécu parmi nous en révélant la face de Dieu avec sa vie faite d’actions, de comportements, de sentiments, de paroles ; une vie dans laquelle il y a toujours la miséricorde, l’amour, le pardon de Dieu pour atteindre l’homme pécheur avant qu’il ne commence un chemin de conversion. Voilà qui est scandaleux, car l’amour de Dieu, nous voudrions le mériter, or l’amour de Dieu est grâce, il est gratuit, il ne se mérite pas.
Enzo Bianchi
Enzo Bianchi a fondé en 1966, à Bose, dans le nord de l’Italie, une communauté monastique œcuménique.
Raconter l’amour, Namur, Fidélité, 2016, p. 49-50.
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